
Dix-huit ans après son assassinat à Goma, Floribert Bwana Chui Bin Kositi a été proclamé Bienheureux par l’Église catholique, au cours d’une cérémonie empreinte de recueillement et d’émotion. La messe de béatification s’est tenue en la basilique Saint-Paul-hors-les-murs à Rome, présidée par le cardinal Marcello Semeraro, représentant le pape Léon XIV, en présence d’une large délégation venue de la République démocratique du Congo.
Le courage d’un jeune homme face à la corruption
Né à Goma le 13 juin 1981, Floribert Bwana Chui était chef de bureau à l’Office Congolais de Contrôle (OCC). En juillet 2007, il fait un choix radical : il refuse catégoriquement de faire passer une cargaison de riz avarié en provenance du Rwanda. Ni les pots-de-vin, ni les menaces n’auront raison de sa détermination.
Quelques jours plus tard, il est enlevé, torturé, puis assassiné dans des circonstances tragiques. Il avait 26 ans.
Son refus de compromettre l’éthique au nom d’intérêts financiers ou politiques, inspiré par sa foi chrétienne, a été reconnu par l’Église comme un acte de martyr de la vérité et de la justice, permettant ainsi sa béatification sans qu’un miracle ne soit requis, selon le droit canon.
« Il vaut mieux mourir que d’accepter cet argent », répétait-il souvent à ses proches.
Un homme au service des plus fragiles
Membre engagé de la Communauté Sant’Egidio, Floribert consacrait une bonne partie de son temps à l’accompagnement des enfants des rues et à la défense de la dignité humaine. Sa vie, autant que sa mort, témoignent de la cohérence entre ses convictions et ses actes.
À Goma, où une école de la paix porte aujourd’hui son nom, sa mémoire reste vivace, et son exemple rayonne bien au-delà des milieux catholiques.
Un écho jusqu’au sommet de l’Église
Le pape François, en visite à Kinshasa en 2023, avait déjà salué la mémoire de Floribert comme celle d’un modèle de résistance à la corruption :
« Il aurait pu céder, personne ne l’aurait su… Mais il a choisi de dire non à la saleté de la corruption. »
À Rome, l’émotion était palpable : dans les travées de la basilique, des centaines de Congolais agitaient fièrement des drapeaux, chantaient des cantiques, certains les larmes aux yeux, scandant le nom de leur martyr devenu Bienheureux.
Une lumière pour le Congo et l’Afrique
Dans un pays classé 163e sur 180 par Transparency International en matière de perception de la corruption, la figure de Floribert Bwana Chui apparaît comme un repère moral, une conscience éveillée dans un océan de compromissions.
Sa béatification porte un message fort : la foi, le courage et l’honnêteté ne sont pas des naïvetés, mais des actes de résistance capables de transformer la société.
« La jeunesse congolaise peut voir en Floribert un frère, un guide, un saint de notre temps », résume un prêtre présent à Rome.
Adrien Ambanengo