
C’est dans son bureau parisien que le député français d’origine congolaise, Carlos Martens Bilongo, a reçu, ce lundi 25 août 2025, le docteur Guelord Luema, enseignant-chercheur à la faculté de droit de l’Université Paris-Est Créteil (UPEC). À l’ordre du jour : mémoire, justice et diplomatie.
L’élu de la Nation a d’abord salué la parution de l’ouvrage collectif dirigé par le chercheur, la justice constitutionnelle et le contentieux électoral : colloque international 18-20 mai 2023, Kinshasa, qualifié de « travail rigoureux » et amorcé dès 2022. « Je tiens à lui adresser mes plus sincères félicitations pour cet ouvrage que je recommande vivement », a déclaré Carlos Martens Bilongo, visiblement sensible à la rigueur scientifique du juriste congolais.
Un sujet brûlant : la reconnaissance du génocost
Très vite, la conversation a pris un tour plus politique. Le député a rappelé son engagement dans l’adoption, le 21 mai dernier, d’un texte législatif condamnant le soutien du Rwanda au M23 – une première dans l’histoire d’un Parlement européen. Pour lui, cette avancée parlementaire doit désormais servir de levier vers une reconnaissance du génocide congolais.
Une position partagée par son interlocuteur. « La reconnaissance du génocide doit s’opérer d’abord au plan national. Elle doit être consacrée par une loi, car la loi constitue l’expression de la volonté générale », insiste le Dr Guelord Luema. À ses yeux, seule une inscription claire dans le droit congolais permettrait d’élever la mémoire des victimes au rang des intérêts fondamentaux de la Nation, au même titre que l’intégrité territoriale ou la protection de l’environnement.
Criminaliser le négationnisme
Le chercheur va plus loin. Toute reconnaissance, dit-il, doit aller de pair avec une pénalisation du négationnisme. « Ceux qui affirment qu’il n’y a pas eu de génocide congolais doivent répondre devant la justice », martèle-t-il. Pour lui, protéger la vérité historique n’est pas seulement une exigence morale : c’est aussi une nécessité stratégique pour éviter la banalisation de crimes de masse.
Un autre champ de bataille s’ouvre : la dimension économique des crimes internationaux. Déjà en juillet, lors d’un colloque à Kinshasa, Docteur Guelord Luema plaidait pour une redéfinition du génocide afin d’y intégrer le « génocide économique » – un concept discuté en 1948, mais écarté sous la pression des grandes puissances coloniales. Dans un pays où les guerres sont alimentées par la convoitise sur les minerais stratégiques, ignorer ce facteur relève, selon lui, de l’aveuglement.
Prochain rendez-vous : Créteil
L’agenda des deux hommes se croisera de nouveau en novembre 2025. À la faculté de droit de l’UPEC, un colloque international sera consacré aux « angles morts de la dimension économique des crimes internationaux ». Carlos Martens Bilongo y prendra la parole, tandis que Guelord Luema y défendra sa thèse : transformer le « Génocost », terme popularisé par le président Félix Tshisekedi, en un véritable pilier juridique de la mémoire nationale congolaise.
Entre Paris, Kinshasa et New York, le débat sur le « Génocost » s’internationalise. Mais pour ses défenseurs, l’essentiel reste clair : la reconnaissance doit commencer au Congo, par une loi qui érige la mémoire des victimes en socle de la République.
Junior Ngandu