
La Ligue Nationale Paysanne des Droits de l’Homme (LINAPEDHO) tire la sonnette d’alarme face à la multiplication des barrières militaires illégales sur plusieurs routes du Haut-Katanga. Dans une correspondance adressée à Monsieur l’Auditeur Supérieur près la Cour d’Ordre Militaire du Haut-Katanga, l’organisation de la société civile dénonce des pratiques qui portent atteinte à la liberté de circulation et à la dignité des populations paysannes.
Des barrières devenues sources de tracasseries et de rançonnement
Selon la LINAPEDHO, plusieurs barrières ont été installées depuis plus d’une année sur différents axes routiers des territoires du Haut-Katanga, initialement pour des raisons sécuritaires. Cependant, ces points de contrôle se seraient transformés en véritables sources de revenus illicites pour certains éléments des forces de sécurité.
Les passagers, notamment les paysans, se voient contraints de payer jusqu’à 2 000 FC par passage, parfois même en nature — produits agricoles ou biens personnels — pour obtenir le droit de circuler.
« Ces pratiques violent le droit fondamental à la liberté de circulation garanti par la Constitution de la RDC », dénonce la lettre signée par Michel Kasongo Mujike, Coordonnateur provincial de la LINAPEDHO.
Des abus documentés dans plusieurs localités rurales
Les enquêtes menées par l’organisation ont permis d’identifier plusieurs localités affectées par ce phénomène :
dans les chefferies de Kaponda, Shindaika et Kasongo, ainsi que dans le secteur de Kafira.
Des villages tels que Sambwa, Fikupa, Kikula, Lyambala, Kikwanda, Mamba, Texas, Kijiba, Kibuyé, Kasongo, Kaputula, Malambwe et Mwemena sont cités parmi les plus touchés.
Dans certains cas, les habitants affirment qu’un seul axe routier peut compter jusqu’à quatre barrières militaires, obligeant les cultivateurs à payer entre 48 000 et 57 600 FC par mois pour accéder à leurs champs.
À Malambwe, par exemple, la LINAPEDHO estime qu’avec environ 5 000 cultivateurs, les montants prélevés illégalement se chiffreraient à plusieurs millions de francs congolais chaque année.
Des conséquences économiques et sociales alarmantes
Pour la LINAPEDHO, ces pratiques abusives compromettent la sécurité alimentaire, accentuent la pauvreté rurale et créent un climat de peur dans les communautés paysannes.
Elles entravent également la mobilité, découragent la production agricole et fragilisent l’économie locale déjà affectée par la précarité et l’insécurité.
« Ces barrières ne sont plus des points de contrôle, mais des postes de perception illégale, gérés parfois comme des guichets privés », déplore l’organisation, évoquant des cas d’arrestations arbitraires, de menaces, de confiscation de biens et même de tortures infligées à certains passagers.
Des recommandations claires adressées aux autorités militaires
Face à cette situation, la LINAPEDHO appelle l’Auditeur Supérieur à :
Ordonner des descentes conjointes sur terrain pour constater les faits et écouter les plaintes des populations ;
Vérifier la légitimité des barrières installées et sanctionner les responsables militaires impliqués dans ces pratiques ;
Démonter les barrières érigées sans autorisation légale ;
Former et sensibiliser les agents militaires sur le respect des droits humains et la liberté de circulation ;
Mettre en place un mécanisme de suivi et de contrôle permanent pour prévenir toute récidive.
Pour une armée au service du peuple et de la loi
La LINAPEDHO réaffirme son engagement à défendre les droits des paysans et appelle les autorités à agir rapidement pour restaurer la confiance entre les forces de sécurité et la population.
« Il est urgent de mettre fin à ces exactions qui ternissent l’image de l’armée et compromettent la dignité de nos concitoyens », conclut la lettre.
L’organisation dit espérer que cette dénonciation sera examinée avec la plus grande attention, dans l’intérêt du respect des droits fondamentaux et de la consolidation de l’État de droit en République Démocratique du Congo.
La Rédaction