
À Durba, dans la province du Haut-Uélé, plus qu’une mine d’or, Kibali s’est muée en un véritable poumon économique pour cette région reculée du nord-est congolais. En un peu plus de dix ans, la plus grande mine aurifère d’Afrique – opérée par Barrick Mining – a réussi ce que peu de projets miniers ont accompli en RDC : intégrer massivement des entrepreneurs locaux dans sa chaîne d’approvisionnement. Résultat : 3,1 milliards de dollars déjà versés à des entreprises congolaises et un tissu économique régional en pleine mutation.
Un pari sur la sous-traitance locale
Sous la houlette de Cyrille Mutombo, patron de Kibali Gold Mine, et du Sud-Africain Docteur Mark Bristow, CEO de Barrick Mining, la mine a fait de la sous-traitance locale une priorité stratégique. 64 % des contractants sont désormais congolais, soit 4 466 personnes, un chiffre impressionnant dans un secteur souvent critiqué pour sa faible intégration locale.
Ces entrepreneurs interviennent dans des domaines autrefois réservés à des prestataires étrangers : carrières satellites, infrastructures, production de gaz, distribution d’équipements de sécurité (EPI) et même projets d’énergie renouvelable.
Ce choix répond certes aux exigences du Code minier révisé en 2018, mais aussi à une volonté affichée par Barrick Mining d’ancrer la mine dans son environnement économique.
Des acteurs locaux devenus incontournables

Quelques exemples symboliques illustrent ce virage :
La carrière de Kalimva, entièrement gérée par un partenaire congolais.
Des distributeurs automatiques d’EPI, désormais installés et approvisionnés par des fournisseurs locaux.
La construction de stations de production de gaz, confiée à des entreprises congolaises, marquant un transfert progressif de compétences techniques.
Autre signe d’apaisement : les relations tendues avec les associations locales d’entrepreneurs (G20, CIRN) se sont normalisées. Autrefois promptes à dénoncer une « mainmise étrangère », elles sont désormais associées à la chaîne d’approvisionnement.
Un impact visible sur l’économie régionale

Au-delà des contrats, l’effet d’entraînement est considérable. Kibali a injecté plus de 6,3 milliards USD en RDC depuis son lancement, dont 2,1 milliards en taxes et redevances et 740 millions en salaires.
Sur le plan communautaire, les projets se multiplient : ponts (Lowa, Asaka, Lanza), routes (Kokoro-Awilaba), écoles, hôpitaux. Le Centre agropastoral de Lalibe soutient l’entrepreneuriat féminin et les petits producteurs agricoles, réduisant la dépendance des communautés aux activités artisanales ou informelles.
Des défis… mais aussi une montée en compétences
Les entrepreneurs locaux admettent que les standards internationaux imposés par Barrick Mining – en matière de sécurité, de qualité ou de délais – restent exigeants. Mais ils les considèrent comme un accélérateur de professionnalisation.
La mine investit aussi dans la formation : la Barrick Academy a déjà formé 143 employés et 27 entrepreneurs à Buzwagi, en Tanzanie, et un programme d’apprentissage communautaire intègre des jeunes du Haut-Uélé aux départements techniques.
Un modèle à répliquer ?
Dans un contexte où Kinshasa pousse pour un contenu local accru dans les projets miniers, Kibali fait figure de vitrine. Le modèle partenariat public-privé + sous-traitance proactive pourrait inspirer d’autres géants miniers.
Mais pour maintenir la dynamique, plusieurs conditions s’imposent :
• Un meilleur accès au financement pour les PME locales ;
• Des formations techniques continues ;
• Un soutien accru aux femmes entrepreneures dans les marchés miniers.
À Durba, Kibali n’est plus seulement une mine, c’est un laboratoire de développement inclusif. En intégrant les acteurs locaux à sa réussite, Barrick redessine peu à peu l’image du secteur minier congolais, longtemps critiqué pour son faible impact socio-économique.
La sous-traitance locale à Kibali illustre comment une grande mine peut aller au-delà de l’extraction des ressources pour devenir un moteur de développement inclusif. Reste à voir si ce modèle pourra être consolidé et étendu à d’autres régions minières de la RDC, souvent critiquées pour leur faible impact économique local.
La Rédaction