La RDC au Conseil de sécurité de l’ONU: L’ambition assumée d’un géant africain

À trois jours d’un scrutin décisif à New York, Kinshasa a déroulé le tapis rouge pour clore sa campagne en faveur d’un siège non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Plus qu’une ambition diplomatique, la République démocratique du Congo cherche à s’affirmer comme porte-voix d’une Afrique résolument actrice de son destin global.

Kinshasa, espace Kemesha, samedi 31 mai. Sous les lustres feutrés d’un site qui fleure le raffinement et les grandes occasions, le Président Félix Tshisekedi s’adresse à un parterre de diplomates, de parlementaires, de membres du gouvernement et de partenaires internationaux. À ses côtés, la ministre d’État aux Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, orchestre avec assurance la cérémonie de clôture d’une campagne diplomatique qui pourrait faire date : celle de la RDC au Conseil de sécurité des Nations unies pour le mandat 2026-2027.

Dans une mise en scène sobre mais solennelle, l’État congolais revendique haut et fort sa place autour de la table la plus stratégique du système multilatéral mondial. Une ambition longtemps murmurée dans les salons diplomatiques de Kinshasa, aujourd’hui exprimée à visage découvert, avec une formule qui sonne comme un manifeste : « C’est plus qu’un privilège : c’est une mission. »

La diplomatie congolaise en quête de stature globale

Ce retour annoncé sur la scène onusienne n’est pas une première. La RDC, ex-Zaïre, a siégé à deux reprises au Conseil de sécurité, en 1982-1983 puis en 1992-1993. Mais cette nouvelle tentative s’inscrit dans un contexte radicalement différent. Vingt ans après la fin de la deuxième guerre du Congo, alors que les défis sécuritaires restent entiers à l’Est, Kinshasa entend faire valoir une légitimité fondée sur l’expérience, la résilience et l’engagement continental.

Pour Thérèse Kayikwamba Wagner, cheffe d’une diplomatie discrète mais méthodique, la candidature congolaise est « le reflet d’un État tourné vers la coopération et la solidarité », mais aussi celui d’un pays qui « connaît les stigmates de la guerre et veut faire entendre une voix africaine, équilibrée et constructive ». Le message est clair : la RDC veut passer du statut de sujet de débats à celui d’acteur influent des grandes décisions.

Soutiens africains et mémoire des blessures

L’Afrique, justement, est au cœur de cette campagne. En obtenant le soutien formel de la CEEAC et de l’Union africaine, la RDC a marqué un point diplomatique majeur. Elle incarne, aux yeux de ses pairs, la promesse d’une voix authentique, capable de conjuguer mémoire historique et regard stratégique sur l’avenir du continent.

« Nous savons d’où nous venons », rappelle le Président Tshisekedi. Ce « nous », inclusif et appuyé, résonne comme un hommage aux décennies d’instabilité, mais aussi comme une profession de foi : celle d’une Afrique qui cesse de subir pour proposer, de demander pour peser. Dans sa vision d’une diplomatie transformationnelle, la RDC ambitionne d’être le pont entre les attentes du Sud global et les mécanismes d’un ordre international en quête de réforme.

Un défi d’image et de cohérence

Mais cette quête de légitimité n’échappe pas aux paradoxes. Car si la RDC aspire à incarner une voix forte pour la paix, elle reste en proie à ses propres contradictions internes : instabilité persistante dans l’Est, lenteur des réformes judiciaires, et interrogations sur l’efficacité de sa gouvernance sécuritaire.

À New York, dans les couloirs de l’ONU, certains observateurs s’interrogent : comment un pays dont la mission onusienne est encore l’une des plus importantes et les plus anciennes (la MONUSCO) peut-il se positionner comme arbitre ou influenceur au sein du même Conseil ? Kinshasa répond par la nuance : justement parce qu’elle connaît les failles du système de l’intérieur, la RDC peut y contribuer avec lucidité. En somme, qui mieux qu’un rescapé pour alerter sur les limites du modèle ?

Une voix pour le multilatéralisme africain ?

Ce samedi, le discours de Tshisekedi a pris des accents presque philosophiques. Dans un monde secoué par les conflits asymétriques, les dérives autoritaires et la tentation du repli, le chef de l’État congolais a présenté la candidature de la RDC comme un acte de foi dans le multilatéralisme, mais aussi comme un test pour la crédibilité des promesses de réforme du Conseil de sécurité.

Car au-delà du scrutin du 3 juin, l’enjeu est double : soit le système onusien s’ouvre davantage aux voix du Sud et aux réalités du continent africain, soit il continue de reproduire des déséquilibres historiques qui sapent sa légitimité. À ce titre, le vote en faveur de la RDC ne serait pas seulement un appui à un État, mais un signal d’écoute envers un continent qui veut être vu autrement que comme un théâtre de crises.

Un rendez-vous avec l’Histoire

Dans les travées de Kemesha, l’émotion était palpable chez les diplomates congolais. Une forme de fierté discrète mais assumée : celle d’un pays trop souvent ramené à ses tragédies, et qui entend désormais écrire une autre page de son histoire internationale. Le Président Tshisekedi l’a résumé ainsi : « C’est un rendez-vous avec l’Histoire que nous, Congolais, nous apprêtons à vivre. »

Reste à savoir si le monde, lui aussi, est prêt à considérer la RDC comme autre chose qu’un récepteur d’aides et d’attention sécuritaire, mais comme un contributeur stratégique aux équilibres globaux. Le 3 juin, les urnes de l’Assemblée générale de l’ONU parleront. Et peut-être, pour la troisième fois, offriront à Kinshasa la tribune qu’elle convoite. Non pas pour s’y plaindre, mais pour y proposer.

La Rédaction

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