Procès Mutamba : le crépuscule d’un ministre, le test d’une justice

Ce n’est pas un simple dossier judiciaire qui s’ouvre dans l’enceinte feutrée de la Cour de cassation, mais une séquence politique aux résonances profondes pour la République démocratique du Congo. Constant Mutamba, ex-ministre d’État à la Justice et figure jeune mais clivante de la scène nationale, comparaît pour des faits présumés de détournement de fonds publics. À la clé : 19 millions de dollars supposément volatilisés sur une enveloppe destinée à construire une prison à Kisangani.

Chute d’un ministre, fin d’une immunité

Il y a moins d’un an, Constant Mutamba trônait au sommet de l’appareil judiciaire. Porteur d’un discours musclé sur la réforme des institutions, il incarnait une certaine rupture générationnelle au sein de l’Union sacrée. Mais le 17 juin 2025, le couperet tombe : l’Assemblée nationale lève son immunité, à la suite d’un réquisitoire sans détour du procureur général Firmin Mvonde. La démission du ministre suit, contraint, cerné par des accusations aussi techniques que politiques.

« Le Congo ne peut plus tolérer l’impunité au sommet de l’État », déclare un député de la majorité, visiblement soucieux d’envoyer un message clair.

Un procès sous haute surveillance

Dès l’ouverture des débats ce 9 juillet, le ton est donné. La Cour de cassation déroule les charges : paiement irrégulier de 19,9 millions de dollars à la société Zion Construction, absence de procédure d’appel d’offres, soupçons de favoritisme. Le tout dans un climat tendu, où plane la possibilité d’un procès à huis clos. Pourtant, plusieurs voix s’élèvent, comme celle de l’avocat Jean-Marie Kabengela, pour réclamer un procès radiotélévisé.

« Si ce procès est une leçon de morale publique, alors qu’il se tienne à la lumière du jour », plaide-t-il.

Mais jusqu’ici, la Cour garde le silence.

Entre justice et règlement de comptes

Mutamba, fidèle à sa rhétorique offensive, évoque depuis le début une « cabale politique ». Pour ses soutiens, ce procès aurait des allures d’épuration déguisée. Pour ses détracteurs, il est la preuve qu’aucune fonction, aussi haute soit-elle, ne garantit désormais l’impunité.

Dans les travées du palais du peuple, certains rappellent que le jeune ministre n’avait pas que des amis au sein de la majorité. Son ton incisif, sa posture d’indépendance, et ses prises de position publiques avaient fini par lui valoir autant de soutiens que d’adversaires.

« Il paye aussi pour son style. Trop sûr, trop bruyant », glisse un conseiller.

Une justice sous les projecteurs

Le cas Mutamba met à nu les tensions internes d’un pouvoir qui cherche à concilier volonté de rupture et gestion des équilibres. L’affaire arrive à un moment clé, alors que le président Tshisekedi multiplie les signaux d’intransigeance contre la corruption, dans un pays où la méfiance envers la justice reste élevée.

Mais l’enjeu va au-delà de Mutamba : c’est la crédibilité de la Cour de cassation elle-même qui est à l’épreuve. Sa capacité à instruire un dossier de cette ampleur sans ciller, malgré les pressions politiques, sera scrutée autant par les chancelleries que par la rue congolaise.

Un verdict attendu… au-delà du juridique

L’issue du procès, qu’elle débouche sur une condamnation ou un acquittement, aura des conséquences durables. Sur le parcours de Mutamba d’abord, qui rêvait d’un avenir présidentiel. Mais aussi sur la perception de l’État de droit en RDC, dans un contexte où la corruption reste l’un des principaux maux identifiés par la population.

La question centrale reste donc : ce procès marquera-t-il un véritable tournant ou une simple parenthèse dans le feuilleton de la justice congolaise ?

La Rédaction

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