
Face à un déversement d’effluents toxiques qui a contaminé plusieurs quartiers de Lubumbashi, les autorités congolaises ont suspendu les activités de Congo Dongfang Mining (CDM), une filiale du groupe chinois Huayou Cobalt. Une sanction rare, perçue comme un signal fort de fermeté dans un secteur longtemps accusé d’impunité.
Dans la nuit du 3 au 4 novembre 2025, un silence anormal s’est abattu sur le quartier Kasapa, à Lubumbashi. Quelques heures plus tard, les habitants ont vu surgir des flots verdâtres et corrosifs, dévalant les ruelles, brûlant la végétation et s’infiltrant dans les puits.
Le bassin de rétention de Congo Dongfang Mining (CDM) venait de céder. En un instant, la capitale cuprifère du Haut-Katanga basculait dans l’une des pires crises environnementales de ces dernières années.
Les vidéos, relayées sur les réseaux sociaux, montraient des habitants fuyant une eau acide, des poissons morts flottant dans la rivière Lubumbashi et des rues inondées de boues toxiques. L’indignation s’est propagée comme une traînée de poudre, alimentant les accusations d’irresponsabilité industrielle et de négligence environnementale.
Un ministre sur le terrain, une décision sans précédent
Alerté, le ministre des Mines, Louis Watum Kabamba, a atterri à Lubumbashi dans la nuit du 6 novembre, à deux heures du matin. À peine arrivé, il s’est rendu sur le site incriminé, situé à Joli Site, dans la périphérie nord de la ville.
Ce qu’il y découvre confirmera les pires craintes : un bassin de rejet dépourvu de tout standard international, sans système d’étanchéité fiable ni plan d’urgence en cas d’accident. L’installation, mal entretenue, a laissé s’échapper des effluents chargés en métaux lourds, contaminant l’environnement et menaçant la santé des populations.
Face à des responsables de CDM incapables de fournir des explications techniques convaincantes, le ministre n’a pas hésité.
Le verdict est tombé : suspension immédiate de toutes les activités du site pour trois mois, une durée susceptible d’être prolongée selon les conclusions des enquêtes.
Durant cette période, CDM devra payer l’ensemble de ses employés, réparer les dommages environnementaux, indemniser les victimes, et régler les amendes prévues par le Code minier.
Une commission mixte a été mise en place pour déterminer les causes exactes de l’incident et établir les responsabilités, y compris au sein des services publics de contrôle.
Un geste politique fort
Cette décision, rarissime à l’égard d’une entreprise chinoise, est perçue comme un tournant dans la diplomatie économique congolaise. La Chine, principal partenaire minier de la RDC, contrôle plus de 70 % des chaînes d’approvisionnement du cuivre et du cobalt.
Jusqu’ici, peu d’opérateurs chinois avaient été publiquement sanctionnés, malgré des plaintes récurrentes pour pollution, violation du droit du travail ou défaut de transparence.
En agissant sans délai, le ministre Louis Watum Kabamba cherche à rompre avec l’image d’un pouvoir permissif face aux abus des multinationales.
Les ONG locales, dont Justicia Asbl et l’IRDH, ont salué cette fermeté, tout en exigeant un suivi rigoureux de la réparation des dégâts.
« Trop souvent, les sanctions sont annoncées avec éclat, puis s’évaporent sans suite », déplore Me Timothée Mbuya, défenseur des droits humains à Lubumbashi.
Un défi structurel pour le pays
Au-delà du cas CDM, l’incident met en lumière un malaise plus profond : la fragilité de la régulation environnementale en RDC.
Les inspections sont rares, les sanctions rares encore, et les pressions économiques énormes.
Dans un pays où les recettes minières représentent plus de 40 % du budget national, chaque décision contre un opérateur étranger est un exercice d’équilibriste entre souveraineté et dépendance économique.
À Lubumbashi, les habitants espèrent que cette fois-ci, la justice ira jusqu’au bout.
« Nous voulons respirer, boire et cultiver sans peur », résume une mère de famille du quartier Kamisepe, dont la cour reste imprégnée d’une odeur acide.
En suspendant CDM, Kinshasa cherche à réaffirmer son autorité sur un secteur dominé par les intérêts étrangers. Mais pour que ce geste devienne un précédent, encore faut-il que les réparations suivent les promesses — et que l’eau de Lubumbashi retrouve enfin sa transparence.
La Rédaction