
Condamné à dix ans de travaux forcés dans l’affaire Bukanga Lonzo, l’ancien Premier ministre congolais, Augustin Matata Ponyo, est officiellement en exil forcé, selon son parti politique. Une situation inédite dans le paysage politique congolais contemporain, et lourde de conséquences.
En effet, le silence s’est brisé, deux mois après sa disparition. Augustin Matata Ponyo Mapon, ancien Premier ministre de la République démocratique du Congo (2012-2016) et figure de l’opposition, a été contraint à l’exil, a confirmé ce 2 août son parti, le Leadership et Gouvernance pour le Développement (LGD). Dans un communiqué ferme et un point de presse tendu, le secrétaire général du parti, Francklin Tshiamala, a dénoncé un « exil imposé par les autorités congolaises », évoquant une série d’atteintes graves aux droits fondamentaux de leur leader.
« Matata Ponyo est vivant, sécurisé, mais il a été éloigné du pays contre son gré », a déclaré Tshiamala, affirmant que l’ancien Premier ministre avait pris contact avec le parti sans révéler son lieu d’exil.
Un verdict qui dérange
Le 20 mai 2025, la Cour constitutionnelle condamnait Matata Ponyo à dix ans de travaux forcés pour détournement de fonds publics dans le cadre du controversé projet agro-industriel de Bukanga Lonzo. Vingt-quatre heures plus tard, l’ex-Premier ministre disparaissait des radars.
Depuis, le LGD avait multiplié les alertes sans obtenir de réponse des autorités. Le 2 août, il décide de briser l’omerta : l’ancien chef du gouvernement est en exil forcé, et selon ses proches, victime d’un « harcèlement judiciaire et sécuritaire » orchestré depuis les plus hautes sphères de l’État.
Perquisitions, empoisonnement présumé, passeport confisqué
Dans un réquisitoire politique très dur, le LGD affirme que Matata Ponyo aurait été victime d’une mise en résidence surveillée déguisée, de perquisitions illégales et même d’un empoisonnement présumé avant d’être exfiltré du pays sans consentement formel. Plus grave encore : le passeport de sa fille aurait été confisqué par la Direction générale de migration (DGM), l’empêchant de poursuivre ses études à l’étranger.
« La justice congolaise est devenue un appendice du pouvoir exécutif », a accusé le LGD, qui qualifie la condamnation de son président de « honte nationale », entachée d’irrégularités constitutionnelles et politiques.
Un précédent politique lourd de sens
Si les condamnations judiciaires de personnalités politiques sont fréquentes en RDC, l’exil forcé post-condamnation reste inédit. Pour plusieurs analystes, cette affaire reflète les tensions croissantes entre l’opposition et le régime de Félix Tshisekedi, depuis les dernières élections de décembre 2023.
« Ce qui arrive à Matata est le symptôme d’un malaise plus profond sur l’indépendance de la justice et les libertés civiles dans un contexte où la lutte contre la corruption devient sélective », confie à CONGOMONDE.CD, un constitutionnaliste basé à Lubumbashi.
Vers une internationalisation du dossier ?
Le LGD entend désormais porter l’affaire devant les instances diplomatiques et les ONG internationales de défense des droits humains. Son objectif : dénoncer un exil illégal et obtenir des garanties pour le retour de Matata Ponyo « dans la dignité et la sécurité ».
Du côté du gouvernement, c’est le mutisme total. Aucune déclaration officielle n’a été faite sur l’état civil ou judiciaire de l’ancien Premier ministre, ni sur les accusations formulées par son camp. Un silence qui alimente les soupçons allant dans tous les sens.
Un homme seul ?
Exilé, affaibli, mais pas résigné. Augustin Matata Ponyo, qui se positionnait comme une figure d’alternative technocratique et réformatrice, semble désormais pris dans un engrenage politico-judiciaire complexe. En RDC, où l’histoire politique est jonchée d’exils forcés, d’emprisonnements et de réconciliations tardives, l’affaire Matata pourrait bien devenir un marqueur d’une dérive ou d’une fracture dans l’État de droit.
En attendant, le mystère reste entier sur le lieu où se trouve celui qui rêvait de diriger à nouveau le pays. Mais à Kinshasa, dans les cercles diplomatiques comme dans les couloirs de l’opposition, son nom résonne désormais comme un symbole d’un bras de fer aux contours troubles entre pouvoir, justice et démocratie.