
Quelques jours après un accord de paix inédit avec Kigali, le président congolais a délivré, ce 8 décembre 2025, un discours sur l’État de la Nation particulièrement attendu. Entre fermeté sécuritaire et ambitions de relance, Félix Tshisekedi a tenté d’imprimer un cap, dans un pays toujours éprouvé par les violences dans l’Est.
Dans l’hémicycle du Palais du Peuple à Kinshasa, la tension était perceptible. Ce lundi 8 décembre, les deux chambres du Parlement se réunissaient en Congrès pour écouter le message annuel du chef de l’État. Mais cette fois, le rendez-vous avait un goût particulier : une allocution prononcée dans l’ombre d’un accord de paix signé à Washington avec le Rwanda, sous l’égide des États-Unis — un texte jugé « historique » mais déjà entouré d’incertitudes.
Devant une classe politique en quête de signaux clairs, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo a livré un discours ferme, presque martial par moments, construit autour d’un fil rouge : la souveraineté de la République démocratique du Congo ne se négocie pas.
Quatre priorités pour un pays en crise
Le Président a structuré son intervention autour de quatre engagements majeurs pour les mois à venir — quatre piliers qu’il présente comme la boussole du mandat.
1. Retrait total des forces étrangères
Qu’elles soient régulières ou qu’elles opèrent sous couvert de groupes armés, toute présence militaire étrangère devra quitter le territoire, dit-il, dans un message directement adressé aux acteurs régionaux.
2. Pas de partage de souveraineté
Tshisekedi a insisté : l’accord signé avec Kigali « ne constitue en aucun cas une mise sous tutelle » de la RDC. Une réponse aux critiques d’une partie de l’opinion qui voit dans le texte un risque de dilution du contrôle national sur les ressources minières.
3. Tarir les circuits de financement de la guerre
Le Président promet une offensive contre l’exploitation illicite des minerais stratégiques (or, coltan, cobalt) et les réseaux de contrebande qui alimentent les groupes armés.
4. Protection des civils et retour des déplacés
Avec plus de 7 millions de déplacés internes, le pays n’a « plus droit à l’erreur », a-t-il martelé, appelant à garantir un accès humanitaire aux zones encore instables.
Sécurité : restaurer l’autorité de l’État dans l’Est
L’un des temps forts du discours a concerné la situation dans l’Est, que Tshisekedi décrit comme « le cœur brisé de la Nation ».
Si la signature avec Kigali ouvre une fenêtre diplomatique, le Président prévient : la paix ne doit pas être confondue avec la complaisance.
« Tant qu’un seul village sera sous la menace d’armes illégales, notre mission restera inachevée », a-t-il lancé.
Un message de fermeté destiné autant aux partenaires régionaux qu’aux forces de défense congolaises.
Une économie plus stable mais toujours fragile
Sur le front économique, Félix Tshisekedi s’est voulu rassurant.
Il a vanté : la baisse de l’inflation, la stabilité monétaire, et la résilience de l’économie malgré les tensions sécuritaires.
Mais derrière ces chiffres, le défi demeure massif : comment financer la reconstruction d’un pays vaste comme un sous-continent ?
Le Président mise sur les grandes infrastructures : routes nationales, réhabilitation des voies ferrées, modernisation d’aéroports, routes agricoles pour fluidifier les circuits de production.
Il a également évoqué, non sans sévérité, « l’anarchie urbaine » dans les grandes villes, citant les embouteillages de Kinshasa comme symbole d’un dysfonctionnement structurel.
Un appel à l’unité nationale
Dans un registre plus émotionnel, Tshisekedi a salué les victimes des violences, les forces armées et les artisans de la paix.
Son discours se veut un projet collectif, presque un appel à la mobilisation générale.
« La RDC doit se relever plus forte, unie et déterminée », a-t-il insisté, esquissant une vision où la souveraineté nationale devient le fil conducteur du développement.
Des promesses fortes, des attentes immenses
Comme souvent lors des discours sur l’État de la Nation, les annonces devront maintenant se confronter à la réalité.
Parmi les zones d’ombre :
Le retrait effectif des forces étrangères, souvent annoncé mais rarement réalisé.
La lutte contre les circuits financiers de la guerre, où opèrent des acteurs puissants et souvent transnationaux.
La mise en œuvre des chantiers d’infrastructure, qui dépendra d’une gouvernance rigoureuse et de financements stables.
La confiance de la population, usée par les années de crise.
Mais ce 8 décembre, au-delà des promesses, Tshisekedi a voulu offrir un récit : celui d’un pays qui, malgré les épreuves, tente une reconquête politique, sécuritaire et économique.
La Rédaction