
Après six années de silence, l’ancien président congolais Joseph Kabila a effectué un retour fracassant sur la scène politique le 22 mai 2025. Dans un discours virulent, il a dénoncé une dérive autoritaire du régime de Félix Tshisekedi, qu’il accuse de trahison constitutionnelle, de populisme tribal, de corruption généralisée et d’avoir conduit la RDC dans un chaos politique, économique et sécuritaire. Il évoque notamment la perte de contrôle sécuritaire sur plusieurs régions du pays, l’affaiblissement de l’armée au profit de groupes armés, et l’échec de la première alternance pacifique.
Face à ce qu’il considère comme un effondrement des acquis de son mandat, Kabila appelle à un sursaut national autour d’un « pacte citoyen » pour restaurer la démocratie, réconcilier les Congolais, refonder l’État et chasser les troupes étrangères. Il soutient les initiatives de dialogue proposées par les Églises et annonce une visite prochaine à Goma, malgré les menaces du pouvoir en place. Résolu à « jouer sa partition », il tend la main pour une sortie pacifique de crise, tout en appelant à une mobilisation collective pour sauver la nation.
Réplique musclée
Réponse du berger à la bergère, la sortie médiatique de Joseph Kabila a aussitôt provoqué une salve de réactions à Kinshasa, notamment celle, virulente, d’Augustin Kabuya, secrétaire général du parti présidentiel.
Augustin Kabuya, figure de proue de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), a répliqué dans un discours sans concessions, lors d’une matinée politique tenue au siège du parti présidentiel. S’adressant à une base militante galvanisée, il a directement accusé Joseph Kabila d’être « le parrain politique » de la rébellion du M23 et de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) de Corneille Nangaa.
« Kabila n’est pas Congolais, il doit laisser les Congolais régler leurs problèmes », a lancé Kabuya, dans un style polémique inhabituel au sein de l’élite politique congolaise. Le secrétaire général du parti présidentiel est allé jusqu’à projeter des images d’archives des répressions de 2016-2018, imputées au régime Kabila, pour rappeler le lourd passif sécuritaire de l’ancien président.
Accusations récurrentes, preuves insuffisantes
Les accusations visant Kabila ne datent pas d’hier. Depuis plusieurs mois, le discours officiel de l’UDPS fait régulièrement de l’ex-président le principal instigateur de l’insécurité dans l’Est du pays. En mars 2024 déjà, Kabuya affirmait que Kabila avait quitté le pays discrètement, sans signalement à la Direction Générale des Migrations, et qu’il pilotait depuis l’extérieur une opération de déstabilisation du régime en place.
L’arrestation d’Éric Nkuba, proche collaborateur de Corneille Nangaa, est venue alimenter ce récit. Selon des sources sécuritaires, Nkuba aurait confirmé, lors de son interrogatoire, l’implication indirecte de Kabila dans le financement et la logistique du M23 et de l’AFC. Aucune preuve formelle n’a toutefois été rendue publique à ce jour.
Un duel à distance, un pays sous tension
Entre la discrétion de Kabila et la combativité verbale de l’UDPS, c’est une guerre d’image et de légitimité qui se joue à distance. La réponse de Kabuya vise autant à discréditer l’ancien régime qu’à renforcer le camp présidentiel dans un contexte où les défis sécuritaires et sociaux pèsent lourdement sur le second mandat de Félix Tshisekedi.
Mais cette escalade verbale n’est pas sans risque. À mesure que les accusations se multiplient, les fractures politiques s’accentuent. Et alors que la RDC fait face à une crise humanitaire majeure dans l’Est et à des tensions sociales persistantes, nombreux sont les observateurs qui appellent à un apaisement du discours et à une relance du dialogue national.
La Rédaction