
Les rideaux sont tombés, ce mercredi 13 août 2025, sur la phase d’instruction du procès de Constant Mutamba. Dans la salle d’audience de la Cour de cassation, l’ancien ministre de la Justice a assisté, impassible, à l’audition du dernier témoin : un représentant de la RAWBANK. Devant les juges, ce banquier est revenu sur la vie d’un compte bancaire aussi ordinaire en apparence que central dans le dossier : celui de Zion Construct, l’entreprise censée ériger une prison flambant neuve à Kisangani.
Crédité initialement de 19,9 millions de dollars, ce compte a subi des variations dues à des frais bancaires. Le témoin a précisé que ce compte n’était pas un compte séquestre, pouvant permettre des retraits sans autorisation préalable.
Aujourd’hui gelé par décision judiciaire, ce compte incarne l’un des points d’achoppement majeurs entre l’accusation et la défense.
Un réquisitoire implacable
Saisissant la balle au bond, le ministère public a martelé l’accusation : détournement aggravé de fonds publics, une infraction « plus que criminelle » qui, selon lui, a privé l’État d’un outil carcéral stratégique. Le procureur général requiert :
10 ans de travaux forcés
5 à 10 ans d’inéligibilité,
Interdiction à vie d’exercer une fonction publique,
Remboursement intégral des 19,9 millions de dollars,
Et, fait rare, privation définitive du droit à la grâce présidentielle ou à la libération conditionnelle.
Pour l’accusation, l’heure n’est plus à la mansuétude : il s’agit de « restaurer l’intégrité des finances publiques » et d’envoyer un signal fort contre l’impunité.
Une défense vent debout
Face à ce tir de barrage, les avocats de Mutamba se veulent offensifs. « Dossier vide », « absence de preuves matérielles », « montage politique » : les mots claquent. Le prévenu lui-même, dans sa déclaration finale, dénonce un « règlement de comptes » lié aux réformes engagées lorsqu’il était à la tête du ministère de la Justice, réformes qui auraient heurté intérêts et habitudes.
La défense s’appuie sur des témoignages favorables, comme celui de l’ex-ministre Rose Mutombo, qui a validé la régularité des procédures entourant Zion Construct et ses flux financiers.
Un procès sous tension politique
L’affaire a déjà connu des soubresauts : deux magistrats ont été récusés pour partialité présumée, alimentant le soupçon d’un dossier sous influence. Dans les travées, juristes et observateurs politiques s’accordent : au-delà du sort personnel de Mutamba, c’est la crédibilité même de l’appareil judiciaire qui se joue.
Et après ?
L’affaire est désormais en délibéré. Le 27 août 2025, la Cour dira si Constant Mutamba passera les dix prochaines années derrière les barreaux ou si, au contraire, il pourra reprendre le fil de sa carrière politique. Dans un pays où la lutte contre la corruption reste un leitmotiv officiel, ce verdict aura valeur de test – pour la justice, mais aussi pour la présidence Tshisekedi, soucieuse de se montrer intraitable… ou équitable.
La Rédaction