
L’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) a publié ce lundi 23 juin 2025, une synthèse accablante du rapport d’audit de la Cour des comptes, révélant une gestion calamiteuse du mécanisme de dotation de 0,3 % minimum du chiffre d’affaires des entreprises minières destiné aux communautés locales. Un dispositif introduit par le Code minier de 2018, mais vidé de son sens sur le terrain.
Un trou de plus de 150 millions de dollars
Sur les 310 millions USD attendus entre 2018 et 2023, seules 213 millions ont été réellement versées. À cela s’ajoutent des pratiques frauduleuses : certaines sociétés minières ont volontairement sous-déclaré leur chiffre d’affaires, privant les communautés de près de 50 millions USD supplémentaires. L’ODEP signale des écarts faramineux — jusqu’à 16 milliards USD — entre les chiffres déclarés aux régies financières et ceux transmis aux structures locales de développement (DOTs).
Opacité, malversations et détournements
Pire encore, sur les 70 entreprises minières concernées, seules 46 DOTs ont été effectivement créées, et leur fonctionnement est jugé chaotique : absence de traçabilité, dépenses sans justificatif, passation de marchés publics sans appel d’offres, voire détournements avérés, comme les 47 500 USD disparus à la DOT de Shituru Mining Corporation.
La répartition légale des fonds — 90 % pour des projets communautaires, 6 % pour le fonctionnement des DOTs, et 4 % pour la supervision — est rarement respectée, souligne l’ODEP. Résultat : peu ou pas d’écoles, d’hôpitaux ou de routes construites, malgré l’énorme potentiel financier généré par l’exploitation des ressources.
Une trahison pour les communautés locales
Pour Florimond Muteba Tshitenge, président de l’ODEP, cette situation est une véritable trahison. Le mécanisme censé réparer les injustices historiques infligées aux zones minières s’est transformé en instrument de spoliation, au bénéfice de réseaux opaques et de certaines élites locales complices.
Face à ce qu’elle qualifie de scandale de la gouvernance minière locale, l’ODEP propose une série de mesures urgentes :
Création d’une plateforme numérique de transparence pour tracer les versements et dépenses ;
Sanctions contre les entreprises minières défaillantes ;
Formation des comités locaux de suivi, avec implication directe des populations ;
Renforcement du cadre légal, en intégrant la société civile dans la gestion et la supervision ;
Et surtout, audits citoyens indépendants, pour mettre fin à l’impunité.
Alors que le gouvernement congolais affiche régulièrement sa volonté de faire de la revanche du sol sur le sous-sol une priorité, ce rapport vient rappeler l’écart béant entre les intentions affichées et la réalité sur le terrain. L’ODEP appelle les autorités à rompre avec le cycle de l’impunité, pour que les richesses minières profitent enfin à ceux qui vivent sur les terres qui les produisent.