Sous-traitance minière : Le dilemme des avocats congolais face aux appels d’offres et à la compétition déloyale

Prof. Joseph Yav Katshung



Lors de la Journée du Barreau organisée dans la capitale cuprifère de la RDC ce vendredi 11 juillet 2025, les débats ont porté sur les opportunités et contradictions auxquelles font face les avocats congolais dans le secteur minier, en particulier sur la question de la sous-traitance. Dans une intervention remarquée, le Professeur Joseph Yav Katshung, avocat et enseignant des universités, a mis en lumière le dilemme éthique et juridique auquel est confrontée la profession.

Appels d’offres : une pratique en expansion, mais juridiquement controversée

De plus en plus, les entreprises minières – sociétés commerciales ou personnes morales – recourent à des appels d’offres pour sélectionner leurs conseils juridiques. Cette pratique, courante dans le monde des affaires, pose pourtant un problème de conformité déontologique en RDC.

« Selon nos textes actuels, le fait pour un avocat ou un cabinet de répondre à un appel d’offres est considéré comme du racolage. C’est une indélicatesse, et cela peut conduire à des sanctions disciplinaires », a rappelé le Prof. Joseph Yav.

Des textes figés face à une réalité qui évolue

Pour le Professeur Yav, les textes réglementaires n’ont pas suivi l’évolution du secteur et du marché juridique :

« Nos textes ont évolué sans réellement évoluer. Nous sommes dans un paradoxe : si nous soumissionnons, nous sommes sanctionnés ; si nous ne le faisons pas, nous perdons des opportunités économiques majeures. »

Il s’interroge : Faut-il ou non soumissionner ? Et à quel niveau ? Local ? National ? Régional ?

Une concurrence entre confrères qui pose question

Le recours aux appels d’offres par les entreprises pousse les avocats à se mettre en compétition les uns contre les autres, souvent sur la base du critère du « moins-disant » plutôt que de la qualité. Pour le Professeur, cette logique marchande entre en contradiction avec l’éthique de la profession :

« Devons-nous vraiment être mis en concurrence, sur appel d’offres, comme de simples prestataires ? Le droit est une profession de confiance, pas un marché de rabais », a-t-il insisté.

Repenser la réglementation et moderniser les pratiques

Le Professeur Yav appelle les barreaux congolais à être proactifs, en proposant une mise à jour des textes pour encadrer ces nouvelles pratiques liées à la sous-traitance et à la gestion des marchés juridiques dans les secteurs clés, comme les mines.

« Il faut définir les contours. Si le monde change, notre réglementation doit aussi s’adapter, sans compromettre nos principes. »

Priorité aux avocats congolais : une exigence stratégique

Face à l’internationalisation du secteur minier, le Prof. Yav propose que la sous-traitance juridique soit réservée aux cabinets congolais. Il insiste sur la nécessité de protéger les intérêts nationaux :

« Il faut que les cabinets étrangers qui veulent travailler ici soient domiciliés auprès de cabinets congolais. Sinon, nous serons réduits à jouer les boîtes postales. »

Des recommandations claires pour l’avenir

Pour tirer pleinement parti des opportunités offertes par le secteur minier, l’avocat-professeur lance plusieurs recommandations :

– Élever le niveau technique et professionnel des cabinets d’avocats congolais ;


– Renforcer la réactivité et la capacité d’innovation juridique ;

– Former les jeunes avocats aux défis numériques et aux exigences du secteur extractif ;

– Faire évoluer la réglementation pour clarifier les règles de participation aux appels d’offres, sans compromettre l’éthique professionnelle.

« Nous devons être à la hauteur. Le marché existe, mais seuls les plus compétents en bénéficieront. »

La Journée du Barreau à Lubumbashi a mis en lumière la nécessité de réconcilier la déontologie avec les réalités économiques. Si les opportunités dans le secteur minier sont réelles, la profession d’avocat doit se moderniser sans perdre son âme.


Junior Ngandu

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