Sous les ors de la diplomatie américaine, un vent d’espoir souffle sur l’Afrique des Grands Lacs. Le 25 avril, à Washington, la République démocratique du Congo et le Rwanda ont signé une « déclaration de principes » censée jeter les bases d’un apaisement durable dans l’Est congolais, ravagé par les conflits armés depuis plus de deux décennies. Paraphé par Thérèse Kayikwamba Wagner, ministre congolaise des Affaires étrangères, et son homologue rwandais Olivier Nduhungirehe, l’accord a été conclu sous la médiation active du secrétaire d’État américain, Marco Rubio.
Un cessez-le-feu en perspective
Le document engage les deux parties à respecter mutuellement leur souveraineté, à renforcer la sécurité régionale, à coopérer économiquement et à faciliter le retour des populations déplacées. En filigrane, il s’agit d’endiguer l’influence du Mouvement du 23 mars (M23), groupe rebelle accusé par Kinshasa — et corroboré par plusieurs rapports onusiens — d’être soutenu par Kigali.
Depuis novembre 2024, les avancées du M23 ont été fulgurantes, culminant avec la prise des villes stratégiques de Goma et Bukavu en janvier dernier. Le bilan humain est effroyable : près de 7 000 morts et plus de 3 millions de déplacés internes, selon les dernières estimations. Le Rwanda, pour sa part, continue de nier toute implication directe, tout en rejetant les sanctions internationales et la pression diplomatique croissante.
L’ombre des minerais
Si la sécurité est au cœur du texte signé à Washington, les enjeux économiques ne sont jamais loin. L’Est de la RDC recèle des gisements stratégiques de cobalt, de coltan et de lithium, convoités par les grandes puissances. Washington, en pleine compétition géoéconomique avec Pékin, voit en Kinshasa un partenaire minier de premier plan.
L’émissaire américain pour l’Afrique, Massad Boulos, n’a pas caché les ambitions de son pays : « Ce conflit dure depuis plus de trente ans. Il est temps d’y mettre fin. » En toile de fond, les États-Unis négocient un vaste accord minier avec la RDC, assorti de promesses d’investissements dans les infrastructures — routes, barrages, voies ferrées — destinées à sécuriser l’exploitation des ressources par des entreprises américaines.
Une paix sous conditions
Saluée comme une avancée « historique » par certains diplomates, la déclaration de Washington suscite pourtant des réactions contrastées à Kinshasa. Sur les réseaux sociaux, des voix s’élèvent, oscillant entre espoir et scepticisme. « Les Américains et les Arabes s’invitent à la mangeoire. Et où est la classe politique congolaise ? », ironise un utilisateur sur X, ex-Twitter.
La méfiance reste vive. Les précédents accords, comme celui de Luanda signé en août 2024, se sont heurtés à une mise en œuvre laborieuse et à l’inertie diplomatique. La MONUSCO, dont le rôle est appelé à s’intensifier dans le suivi de l’accord, peine à s’imposer comme un acteur crédible, minée par des années de critiques sur son inefficacité.
Un Rwanda sous pression
Kigali, lui, fait face à une pression diplomatique croissante. Le Conseil de sécurité de l’ONU, par sa résolution 2773 adoptée le 21 février dernier, a appelé le Rwanda à se retirer du territoire congolais et à cesser tout appui au M23. L’Union européenne envisage, de son côté, de suspendre un accord minier avec Kigali, redoutant qu’il n’alimente indirectement le pillage des ressources congolaises.
Le général James Kabarebe, proche du président Paul Kagame, figure parmi les personnalités rwandaises visées par des sanctions américaines. Une décision que Kigali juge « arbitraire » et « politiquement motivée », appelant à privilégier les mécanismes africains de médiation.
Vers une paix durable ?
Rien n’est encore joué. Le retour d’une stabilité durable dans l’Est de la RDC dépendra de plusieurs facteurs : la sincérité politique des signataires, la capacité à désarmer les groupes armés, l’implication effective des partenaires régionaux et internationaux… et la place accordée aux populations locales.
Dans une région où les promesses de paix ont souvent accouché de nouvelles crises, la vigilance reste de mise. Comme le résume un autre internaute congolais : « Tous les moyens sont bons pour aboutir à la paix, mais elle doit être réelle et au service du peuple. »
La Rédaction