RDC : La chute annoncée de Constant Mutamba ?

Visé par une demande de levée d’immunité parlementaire, le ministre d’État à la Justice, Constant Mutamba, se retrouve au cœur d’une tempête politico-judiciaire. Une affaire aux allures de règlement de comptes dans un climat institutionnel déjà électrique.

En effet, le 20 mai 2025, le Palais du peuple s’est retrouvé sous les projecteurs d’une actualité à haute intensité. Firmin Mvonde, Procureur général près la Cour de cassation, a saisi officiellement l’Assemblée nationale pour obtenir la levée des immunités du ministre de la Justice et Garde des sceaux, Constant Mutamba. La requête vise l’un des plus jeunes et emblématiques membres du gouvernement congolais. Le prétexte : un présumé détournement de fonds, estimé entre 19 et 29 millions de dollars, dans le cadre de marchés publics attribués de gré à gré pour des infrastructures judiciaires.

Une figure controversée

La trajectoire de Constant Mutamba fascine autant qu’elle dérange. Brillant tribun, friand de déclarations musclées, il s’est forgé une image de réformateur intransigeant. À la tête du ministère de la Justice depuis 2023, il avait promis un « nettoyage des écuries d’Augias » du système judiciaire congolais. Mais ses méthodes directes, souvent en rupture avec les usages du pouvoir, lui ont valu de puissantes inimitiés, notamment dans les rangs des magistrats, où il est accusé depuis plusieurs mois de personnalisation de l’autorité judiciaire et d’un populisme médiatique assumé.

L’affaire actuelle pourrait signer une inflexion brutale de son ascension. Le 21 mai, le réquisitoire du parquet a été lu en plénière, ouvrant la voie à une procédure formelle. Une commission spéciale a été constituée pour examiner la demande, et son rapport est attendu dans les prochains jours. D’ici là, la vie politique congolaise retient son souffle.

Un moment de bascule politique

Au-delà du cas Mutamba, cette affaire vient percuter un contexte politique déjà fracturé. Car si elle n’est pas inédite, la séquence n’est pas isolée : en avril dernier, une procédure similaire a été engagée au Sénat à l’encontre de l’ancien président Joseph Kabila, soupçonné de liens occultes avec le M23. Coïncidence ? Difficile à croire pour certains analystes, qui y voient les prémices d’un réalignement politique post-électoral ou, pour les plus sceptiques, une reprise en main de certains pans du pouvoir par des forces rivales.

La commission parlementaire chargée d’étudier la levée des immunités a désormais la lourde tâche de faire la part des choses entre faits judiciaires et calculs politiques. Si les accusations de détournement se fondent sur des éléments solides, le ministre devra répondre devant les tribunaux. Dans le cas contraire, cette affaire pourrait se retourner contre ses initiateurs.

Quoi qu’il en soit, cette procédure met une nouvelle fois en lumière les tensions persistantes entre justice et politique en RDC. La volonté affichée de lutter contre la corruption se heurte souvent aux alliances mouvantes et aux jeux de pouvoir. La RDC veut se réinventer sur le plan de la gouvernance ; encore faut-il que les institutions agissent avec cohérence et transparence.

En définitive, l’affaire Constant Mutamba dépasse largement le cas personnel du ministre. Elle cristallise les contradictions d’un État en quête d’autorité morale, tout en restant tributaire d’un système opaque et politisé. Quelle que soit l’issue de cette procédure, elle laissera des traces dans l’équilibre du pouvoir congolais.

La Rédaction

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